jeudi 7 mai 2020

Génération offensée

J'ai lu Génération offensée de Caroline Fourest



4ème de couverture

«  C’est l’histoire de petits lynchages ordinaires, qui finissent par envahir notre intimité, assigner nos identités, et censurer nos échanges démocratiques.  Une peste de la sensibilité. Chaque jour, un groupe, une minorité, un individu érigé en représentant d’une cause, exige, menace, et fait plier.
Au Canada, des étudiants exigent la suppression d’un cours de yoga pour ne pas risquer de «  s’approprier  » la culture indienne. Aux États-Unis, la chasse aux sorcière traque les menus asiatiques dans les cantines et l’enseignement des grandes œuvres classiques, jugées choquantes et normatives, de Flaubert à Dostoïevski. Des étudiants s’offusquent à la moindre contradiction, qu’ils considèrent comme des «  micros-agression  », au point d’exiger des «  safe space  ». Où l’on apprend en réalité à fuir l’altérité et le débat.
Selon l’origine géographique ou sociale, selon le genre et la couleur de peau, selon son histoire personnelle, la parole est confisquée. Une intimidation qui va jusqu’à la suppression d’aides à la création et au renvoi de professeurs. La France croyait résister à cette injonction, mais là aussi, des groupes tentent d’interdire des expositions ou des pièces de théâtre… souvent antiracistes  ! La police de la culture tourne à la police de la pensée.  Le procès en «  offense  » s’est ainsi répandu de façon fulgurante. «  L’appropriation culturelle  » est le nouveau blasphème qui ne connaît qu’une religion  : celle des «  origines  ».  »C. F.Sans jamais vouloir  revenir à l’ancien temps, Caroline Fourest trace ici une voie authentiquement féministe et antiraciste, universaliste, qui permet de distinguer le pillage de l’hommage culturel.

Mon avis


Ce livre m'a parlé parce qu'il touche à des questions que je me pose régulièrement. Quand les réseaux sociaux fustigent certains artistes parce qu'ils parlent de domaines qui ne les concerneraient pas directement (faut-il être noir pour parler du racisme ? Homosexuel pour camper un personnage qui l'est ?), la question du mélange des cultures devient un sujet de débat.
Certes, tous ceux qui craignent l'appropriation culturelle ne pourront pas être d'accord avec Caroline Fourest, qui est nettement de parti pris, et ne s'en cache pas. Son parti pris est pourtant celui de l'universalisme, et elle le défend en présentant toutes les dérives possibles de la ghettoïsation de la culture.
Entre la crainte de l'invisibilisation, celle de se faire déposséder de leur histoire et les combats militants, de nombreux mouvements poussent leur lutte jusqu'au paroxysme. Comment peut-on contraindre des célébrités à présenter des excuses publiques parce qu'elles portent des tenues ou des coiffures issues de certaines civilisations, faire renvoyer des universitaires parce qu'ils évoquent des sujets d'ouverture au monde, interdire le yoga parce que c'est un pillage de culture indienne ? C'est pourtant ce qui est déjà en train de se passer. Dans son livre, Caroline Fourest témoigne d'une censure poussée à l'extrême et qui, justement, fait le jeu des extrêmes. Quand, au lieu de chercher à relier les peuples et les différences de chacun, on ne les autorise que par certains représentants, le risque est grand de les voir encore plus rejetés.
Le livre n'a que peu de nuances. Clairement, son autrice ne comprend pas cette volonté de réduire la représentativité d'une culture à ceux qui en sont les héritiers. Elle est pourtant d'accord pour dire qu'il faut respecter cette culture, que certains excès sont malvenus... mais qu'il faut surtout l'ouvrir, au plus grand nombre, pour ne pas limiter la circulation des pensées.
C'est un ouvrage à charge, certes. Mais c'est surtout un ouvrage édifiant, qui nous ouvre les yeux sur les dérives de ce qui est déjà en train de se passer, à travers de nombreux exemples concrets et souvent affolants.
Un livre à lire pour réfléchir...

Sur le même sujet, je vous invite d'ailleurs à lire aussi les textes de Jo Ann von Haff : Comment ajouter de la diversité dans ses romans, Vous êtes écrivain, vous êtes légitime,   ou Pourquoi je ne veux pas d'un James Bond noir, sans oublier son livre sur la Diversité décomplexée

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